20 kilomètres de long. 1.000.000.000 tonnes de glace. 800 mètres d’épaisseur. Patrimoine mondial de l’UNESCO. Quand on évoque le glacier d’Aletsch, seuls les superlatifs sont de mise. Une des merveilles du monde, donc, que n’épargne pourtant pas le changement climatique, comme nous pourrons l’observer de visu. Heureusement, nous n’avons pas fait le voyage uniquement pour déplorer les effets du réchauffement. Nous allons hiker, fabriquer du fromage, descendre la montagne en mountain kart… Bref, profiter pleinement de tous les trésors de l’Aletsch Arena.
Fascinantes neiges éternelles
« En 1877, lorsque le premier chalet Konkordia a été construit, on y accédait de plain-pied depuis la Konkordiaplatz », nous explique notre guide, une pointe de tristesse dans la voix. « Aujourd’hui, le chalet se dresse plus de 200 mètres au-dessus de Konkordiaplatz. Depuis quelques années, la fonte du glacier s’accélère… »
Plus tôt, alors que le soleil n’est pas encore levé, nous nous retrouvons pour passer la journée sur le plus imposant glacier d’Aletsch. La journée débute bien. La promenade qui nous mène de Fiescheralp au pied du glacier est particulièrement belle. Transpercée par un pâle soleil, la brume se déchire lentement. L’approche se poursuit via Salzgab et Oberes Tälli, en admirant de superbes vues sur Furggulti, qui abrite le glacier Fiescher. Un très long tunnel est le dernier jalon à franchir pour quitter la montagne classique, et pénétrer dans le monde fascinant des glaciers. Dans ce tunnel, creusé jadis pour amener l’eau du glacier jusqu’au monde habité, il fait humide et froid. Le boyau est à peine éclairé. Dès que l’on en sort, on jouit d’une vue imprenable sur le Vordersee, le Märjelensee et l’imposant glacier d’Aletsch. C’est à cet instant que nous comprenons que notre journée sera mémorable. Autrefois, lorsque le glacier était encore intact, le Märjelensee faisait office de réservoir naturel de glace. Il s’étendait sur près de deux kilomètres de long et cinq cents mètres de large. Depuis, il s’est réduit à peau de chagrin : une bonne centaine de mètres tout au plus
Au Gletscherstube Märjelen, on nous équipe d’un baudrier et de crampons. La descente du Gletscherstube jusqu’au glacier est escarpée. Le torrent Märjelenbach cascade à nos côtés. Arrivé au pied du glacier, il plonge sous la glace. Là, nous chaussons nos crampons et déroulons les cordes pour progresser désormais en cordée. Sur un glacier, pas question de prendre le moindre risque. La glace est glissante – tiens… – et il ne ferait pas bon de se retrouver au fond d’une crevasse.
C’est parti pour une superbe découverte du monde magique des glaciers ! De leur imposante hauteur, l’Aletschhorn, la Jungfrau, le Mönch, l’Eiger et le Fiescherhorner observent nos premiers pas sur la glace. Ce sont les flancs nord du célèbre trio – Eiger, Mönch et Jungfrau – qui alimentent le glacier en masses de glace. Toute cette eau aboutit finalement dans le Rhône, via la Massa. Nous franchissons rus et ruisseaux, jetons des regards curieux dans les sombres entrailles du glacier et n’avons pas assez d’yeux pour admirer les merveilles qui s’offrent à notre vue.
Notre guide s’arrête régulièrement, pour nous fournir d’intéressantes explications sur les glaciers, les moraines, les crevasses et le réchauffement climatique. Un exemple ? Saviez-vous le glacier perd un mètre d’épaisseur par an ? De ce fait, leur surface se couvre d’un amas de plus en plus épais de débris et de pierraille, ce qui rend de plus en plus dangereux l’accès aux glaciers et aux massifs rocheux.
Sur la moraine intermédiaire, nous lunchons autour d’une ‘table de glacier’ : un rocher autour duquel la glace a fondu, et qui émerge de la masse blanche. Restaurés, nous reprenons notre progression, qui se fait encore plus passionnante. Nous contournons prudemment d’immenses crevasses, profondes et sombres, sautons aussi souplement que possible au-dessus de petits torrents qui émergent de la glace pour y disparaître quelques mètres plus loin, et observons avec enchantement de magnifiques petits lacs dont l’eau est glaciale. Sept heures plus tard, nous sommes de retour à notre hôtel de Fiescheralp. La journée a été longue et intense, mais ô combien intéressante !
Aletsch-Arena
L’Aletsch-Arena s’étend au cœur du canton du Valais (Suisse). Elle se distingue par ses authentiques chalets et hôtels valaisans, et par ses trois villages piétonniers – Fiescheralp, Bettmeralp en Riederalp – aussi charmants qu’authentiques. Ces villages sont situés au pied de la montagne et, pour rejoindre l’hôtel Eggishorn où nous séjournons, nous empruntons une télécabine, avec nos bagages. L’hôtel est situé à deux pas de la station d’arrivée. Nous parcourons avec entrain les quelques dizaines de mètres qui nous en séparent. Depuis ce camp de base, vous pouvez prendre des télésièges ou des télécabines. Ou randonner à pied, bien sûr.
L’Aletsch-Arena est LE paradis de l’outdoor. Un univers entièrement dédié au sport et à l’aventure. Nous rencontrons David Kestens, un Belge qui a quitté depuis longtemps notre plat pays pour s’installer ici. En sa qualité de product manager de l’Aletsch-Arena, il est idéalement placé pour nous faire découvrir les charmes de cette immense plaine de jeux et, par extension, du Valais et de la Suisse. David est un conteur né, qui parvient d’emblée à fasciner notre fille de 10 ans. Des exemples ? Avec force détails, il retrace l’histoire du Rivella, cette boisson pétillante préparée à base de lactosérum, un produit dérivé de la fabrication du fromage. Il évoque aussi les alpages (dénommés ici ‘alm’ ou ‘alp’), où les paysans locaux font paître leurs troupeaux pendant l’été. Bien entendu, ces vaches étaient traites régulièrement mais, comme il n’est pas simple de descendre le lait frais dans la vallée, la fabrication de fromage était pour eux la meilleure manière de conserver les propriétés de leur lait. En dégustant un succulent dîner et en savourant les vins de la région, nous écoutons avec grand intérêt les histoires de David, jusque tard dans la soirée.
Villa Cassel
Vous pensez que tous nos voyages se déroulent sous un soleil étincelant ? Détrompez-vous. La pluie est annoncée depuis plusieurs jours. Jusqu’à présent, nous en avons été épargnés, mais la journée d’aujourd’hui promet d’être humide, sombre et froide. Pas l’idéal pour les activités outdoor pures et dures. Qu’à cela ne tienne, l’Aletsch-Arena regorge de points d’intérêt, même pour les jours de pluie. En télécabine et en train, nous nous rendons à Riederalp, où le Musée des Alpes nous propose une initiation à la fabrication artisanale du fromage. En fait, il s’agit plutôt d’une initiation à… la patience. « Pour obtenir un bon fromage, il faut touiller. » Nous touillons donc avec application. Heureusement, un bon feu réchauffe le chalet de montagne.
Une courte promenade nous mène à la fin du glacier d’Aletsch, à Riederfurka, à la Villa Cassel.
Il émane de cette villa, jadis résidence d’été du banquier anglais Ernest Cassel, une aura de grandeur et de nostalgie. Sur les conseils de son médecin, Ernest Cassel a passé l’été 1895 à l’hôtel Riederfurka, ‘pour bénéficier des bienfaits de l’altitude et de l’air de la montagne’. Cassel, pas trop satisfait de l’hôtel en question, s’est alors mis en tête de faire construire sa propre villégiature. Mais il lui fallait d’abord trouver un terrain. Après force négociations avec la commune et cadeaux aux édiles locaux, la construction a débuté en 1900. Deux ans plus tard, la somptueuse Villa Cassel se dressait fièrement vers le ciel. Outre Ernest Cassel et sa famille, la demeure a accueilli de nombreux hôtes de prestige. Comme Winston Churchill, qui y a signé ses meilleures œuvres littéraires. Ernest Cassel a passé son dernier été à la villa en 1914, d’où il a fait jouer ses multiples relations dans le monde politique et financier pour tenter d’éviter la guerre. Ensuite, la Villa a changé de propriétaire à plusieurs reprises. Difficilement accessible – uniquement à dos d’âne – elle est progressivement tombée en désuétude. Au début des années 1970, elle a toutefois été rachetée par la Ligue suisse pour la Protection de la Nature – Pro Natura aujourd’hui – qui a entrepris de la rénover. Aujourd’hui, elle abrite le Centre de Protection de Pro Natura.
Suite à la fonte de la neige éternelle, une étendue boisée – la forêt d’Aletsch – a poussé en bordure du glacier. Les imposants pins des Alpes se sont parfaitement acclimatés au biotope qui règne ici. Nous nous dirigeons vers cette forêt, mais l’orage se rapproche dangereusement. Le genre d’orage auquel il vaut mieux ne pas s’exposer en montagne. Via le train et la télécabine, retour forcé jusqu’à Brig, où nos vêtements finissent de sécher durant notre visite du World Natural Forum. Dans ce passionnant musée interactif, nous découvrons mille et une choses sur les glaciers et la nature. À ne manquer sous aucun prétexte !
Cholera sur Bettmerhorn
Chaussures de rando, imper, en-cas, eau, sac à dos… nous sommes prêts pour une nouvelle journée de découverte dans ce paradis sur terre. À Fiescheralp, nous prenons le télécabine qui nous mène à la station d’altitude d’Eggishorn, à 2869 mètres. Le panorama sur le glacier d’Aletsch est à couper le souffle. Nous escaladons encore une centaine de mètres de dénivelé pour admirer le décor environnant depuis le véritable Eggishorn (2926 mètres). Le brouillard, d’épais nuages et un orage qui menace nous dissuadent d’entreprendre la descente depuis l’Unesco Höhenweg jusqu’à Bettmerhorn. Cet Unesco Höhenweg est une jolie liaison, assez technique, qui requiert une bonne visibilité et un sol sec. Le plan B n’est pas mal non plus. Via le Herrenweg, nous marchons en direction de Bettmeralp, d’où une cabine nous mène en souplesse jusqu’à la station de Bettmerhorn, à 2647 mètres d’altitude. Si nous allons jusqu’à Bettmerhorn, ce n’est pas sans raison. Cette bonne raison, c’est le choléra. Et le choléra n’est pas ce que vous pensez !
Au début du 19e siècle, une redoutable épidémie de choléra a frappé le canton du Valais. Les autorités ont interdit aux Valaisans de sortir de leur maison, les obligeant de facto à se nourrir de leurs réserves et de ce qui poussait dans leur potager : pommes de terre, poireaux, oignons, pommes, poires, fromage et, avec un peu de chance, un carré de lard. C’est à base de ces ingrédients qu’a été préparé pour la première fois le ‘cholera’, une tourte roborative…
Nous empruntons la crête qui relie Bettmerhorn à Moosfluh et, une fois de plus, sommes émerveillés par les panoramas alentour. Au bord du Blausee – qui luit effectivement d’un beau bleu profond – un nouveau moyen de transport nous attend : des Mountain Karts. C’est à bord de ces go-carts tout terrain que nous descendons jusqu’à Riederalp. Adrénaline garantie !
Plaisir des yeux et des papilles, activités, paysages, cordialité… l’Aletsch-Arena et le glacier d’Aletsch ont tout pour séduire les passionnés d’outdoor. Dans ce paradis de nature – préservée et à préserver – l’émotion et la fascination sont au rendez-vous.