Plongée à Cuba
Cet archipel forme l’une des plus belles zones de plongée sous-marine du monde, sans doute la plus riche des Caraïbes. Au large de Cuba, « los Jardines de la Reina » permettent des rencontres intimistes avec les tsars des océans : requins, raies, crocodiles de mer, barracudas géants et mérous Goliath, dans un décor sous-marin à couper le souffle… Immersion en mode frisson.
« C’est un vieux crocodile qui a créé ce sanctuaire. Quoi de plus normal que d’y côtoyer des sauriens ? » rigole notre dive master local Ernesto. Les Jardins de la Reine forment le plus grand parc marin des Caraïbes. Ils couvrent une surface de plus de 2000 m2, sont constitués d’un chapelet de plus de 250 îlots coralliens et d’un immense labyrinthe de mangroves abritant des crocodiles de mer à environ 500 km des côtes cubaines. Ce paradis marin aux eaux cristallines protège une faune et une flore d’une richesse exceptionnelle, qu’on oserait dire enviable pour les habitants de l’île dirigée depuis plus de 60 ans par un régime communiste. Peu d’entre eux y ont pourtant accès, la pêche y est notamment interdite… sauf pour les amateurs fortunés de pêche au gros.
C’est Fidel Castro en personne qui a voulu sanctuariser cet archipel unique en son genre. En 1996, un demi-millénaire après sa découverte par Christophe Colomb – qui l’avait alors baptisé en hommage à la reine d’Espagne Isabelle la Catholique. L’histoire ne dit pas si le Lider Maximo était lui-même féru de plongée ou s’il aimait taquiner la ligne pour traquer l’espadon comme son pote Hemingway, qui vécut à La Havane, mais aujourd’hui, seuls les plongeurs, les pêcheurs et les scientifiques peuvent y accéder. Au compte-goutte. L’excursion se mérite mais c’est un ravissement – et une sacrée aventure.
On n’arrive qu’en bateau aux Jardins de la Reine, forcément, personne n’y vit et il n’existe aucun aéroport. On peut soit y effectuer une croisière soit y séjourner sur une sorte d’hôtel flottant amarré dans la mangrove si l’on veut corser l’expérience. Le Tortuga dispose de 8 chambres-cabines mais ne se déplace pas, toutes les plongées s’effectuent à partir d’un skiff indépendant. Je séjourne pour ma part sur l’Avalon II, un confortable et spacieux navire de 12 cabines (lire l’encadré). Au menu : 2 à 3 plongées par jour sur des sites différents, à la rencontre de toutes les merveilles qui vivent entre 0 et 40 m de fond. Surtout animales. Même si ces jardins sous-marins valent le détour tant ils pullulent de coraux durs et mous, de gorgones, d’éponges, d’anémones, d’algues de toutes les couleurs, on est là avant tout pour la faune. La grosse. Et on n’est pas déçu.
Des requins partout
Il y a d’abord les squales, omniprésents. Pas une plongée, quasi, sans qu’ils nous accompagnent, furtifs, ou nous attendent entre deux eaux. Ça dépend des espèces, entre les requins de récifs qui nous suivent près du fond et les pélagiques, qui préfèrent la pleine mer. Près de 10 espèces différentes nagent dans l’archipel dont certaines, comme le requin soyeux ou le requin renard, sont fragiles ou en voie de disparition. Nous avons beaucoup de chance de les apercevoir de temps en temps, parmi les dizaines d’autres plus communs qui pullulent à chaque sortie. Les soyeux tournent parfois autour du bateau quand les plongeurs remontent, en nombre. On se fraie un chemin entre eux jusqu’à l’échelle de coupée ou on fait un palier pour les regarder tourner… Ça les laisse de marbre. Nous, on savoure.
Rien d’étonnant, au fond, à cette profusion. Nos guides leur apprennent à aimer les poissons-lions, ces prédateurs venimeux devenus invasifs dans les eaux caraïbes. Quand ils en attrapent un au harpon manuel, ils le tendent aux requins qui s’arrachent ce festin gratis. « Ça fonctionne, m’explique Ernesto. Depuis 2 ans qu’on le fait, les requins s’habituent et les rascasses deviennent plus rare. Tant mieux, c’est une véritable infection. » La (grosse) cerise sur le gâteau mesure 15 mètres de long. On la déguste l’été, si on est vernis : c’est le requin-baleine, le plus grand des poissons. Lui ne se nourrit que de krill. Bonheur de nager à ses côtés pendant de longues minutes.
Si ses plus petits congénères abondent au point qu’on finit par ne plus leur prêter beaucoup d’attention – sauf quand on a la chance de croiser un marteau ! –, chaque sortie vise à concentrer nos observations sur d’autres espèces remarquables. Farallon, l’un des plus beaux sites de plongée, est réputé pour ses impressionnants bancs de carangues et de tarpons, mais aussi pour ses raies léopard et ses tortues imbriquées. A Anclitas, on croise des grands barracudas et des mérous géants, dits Goliath. Ces mastodontes placides peuvent mesurer 2 m et peser 400 kilos ! Particulièrement curieux, ils approchent tranquillement les plongeurs jusqu’à poser le nez sur l’objectif de ceux qui les photographient… C’est du vécu !
Épaves, corail noir, hippocampes, profusion de poissons tropicaux, grottes, pieuvres, murènes et calamars, on ne sait plus où donner du masque entre deux apparitions plus imposantes. Même au rayon crustacés : j’ai croisé ici les plus grosses langoustes jamais observées sous les mers. De jour, mais surtout de nuit, quand elles quittent leur cachette rocheuse pour chasser. Elles peuvent peser plusieurs kilos et se figent dans le rayon de nos lampes-torches pour nous laisser le temps de bien les admirer. Chaque plongée nocturne nous garantit des rencontres époustouflantes, dans la lueur de nos spots.
Gueules de crocodiles
Entre deux immersions, on reprend son souffle en lézardant sur des plages désertes au sable immaculé. Pas tout à fait désertes, en fait. Elles pullulent d’iguanes et d’une espèce de rongeur endémique, le jutia, qui ressemble à un gros cobaye. Peu habitués à la présence humaine, ils sont plutôt curieux et viennent très près mendier les miettes de nos pique-nique, l’occasion d’une franche partie de rigolade quand ils se grimpent les uns sur les autres. Les berges sont envahies de mangrove, une nurserie idéale pour les juvéniles des nombreuses espèces qui pullulent dans ces eaux, car elle les protège de leurs prédateurs trop voraces. Ça explique leur densité et leur diversité.
Mais pour les visiteurs que nous sommes, les labyrinthes de mangroves dissimulent une autre surprise de taille, qui à elle seule justifie le voyage. Des crocodiles américains, la même espèce marine qu’on retrouve dans le sud de la Floride ou l’Amérique centrale. Les plus gros spécimens peuvent atteindre 6 mètres mais à Cuba, les adultes en mesurent généralement 3… Leurs mâchoires n’en sont pas moins impressionnantes ! Et leur comportement plus imprévisible que celui des requins. Les canaux cernés de palétuviers dans lesquels on chemine pour les trouver sont clairs et peu profonds, mais les reptiles ont tendance à se cacher dans la vase. Pour les attirer, il faut les appâter avec des morceaux de poulet attachés au bout d’une corde elle-même fixée à un bâton. Ça ne rate pas : il y en a toujours un qui finit par se pointer. Séquence adrénaline.
On se glisse à l’eau par deux en ne s’éloignant jamais trop du bateau, d’où nos compagnons surveillent les alentours, des fois qu’un autre saurien arriverait sans crier gare. « Restez face à lui, ne quittez jamais sa gueule des yeux, qu’il soit en surface ou qu’il plonge, crie Ernesto. Et tâchez de garder un objet entre lui et vous s’il s’approche de trop près. » Mon binôme en sera quitte de sa Go-Pro, croquée à pleines dents au bout de son stick. De mon côté, je tiens fermement le caisson de mon appareil photo comme un bouclier, prêt à le lui abandonner s’il insiste…
Face-à-face en surface, gueule ouverte sur deux rangées de dents énormes, puis plongée jusqu’au fond avant de remonter lentement en se laissant porter entre deux eaux, dans notre direction. Les yeux dans les yeux. Le ballet s’éternise, on voudrait qu’il ne s’arrête pas mais les autres plongeurs s’impatientent, chacun son tour… On reviendra plusieurs fois. L’expérience est de celle qu’on n’oublie pas. A Cuba, les crocodiles ont la peau dure mais le public en redemande, allez savoir pourquoi. Nous, en tout cas, on est conquis par l’île comme par ses habitants. Sur terre et sous la mer.
Pour prolongeren le plaisir sur la terre ferme
Il serait bien dommage de se contenter des merveilles sous-marines de Cuba sans faire un petit tour sur l’île. Hormis La Havane dont on pourrait vous parler pendant des pages entières, voici trois spots qui nous ont marqués et qu’on vous recommande.
La musique de Trinidad
Si le célèbre son cubain, ancêtre de la salsa, est né dans le sud à Santiago de Cuba, c’est la petite cité coloniale de Trinidad qui lui rend aujourd’hui le plus vibrant hommage. Le jour, avec ses ruelles pavées, ses maisons coloniales aux couleurs pastel, ses placettes ombragées et ses églises imposantes, la « belle endormie » semble figée dans le temps.
Le soir, elle s’éveille au son des maracas, des congas et des claves. Dans les bars, les restaurants, dans la rue, sur les marches de la Casa de la Musica ou les bancs de la Plaza Mayor, la musique est partout, impossible d’y échapper, de ne pas se laisser entraîner. Trinidad est l’endroit idéal pour apprendre quelques pas de salsa, les écoles pullulent pour prendre une leçon et les clubs pour la mettre en pratique.
Les cénotes de Cienfuegos
Cap sur Cienfuegos, la Perle du Sud inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco pour son centre historique unique, au style colonial d’inspiration française. On y fait quelques provisions avant de randonner dans la montagne sauvage aux alentours de la ville, jusqu’au lieu-dit El Nicho. Les Cubains viennent y chercher la fraîcheur dans une succession de piscines naturelles creusées par des cascades spectaculaires.
Un peu plus au nord, près du parc national sauvage de la péninsule de Zapata, des centaines de cénotes trouent la roche en pleine forêt, gouffres profonds de plusieurs dizaines de mètres. Les uns remplis d’eau de pluie, les autres d’eau de mer lorsqu’ils sont proches du littoral, certains propices à la baignade. Les eaux translucides de la Cueva de los Peces, par exemple, foisonnent de poissons multicolores. Masque et tuba recommandés.
Les cigares de Vinales
C’est dans la partie nord de l’île que les Cubains cultivent le tabac nécessaire à la confection de leurs précieux Havanes. La péninsule de Vinales dispose d’un autre atout enviable : ses paysages constellés de « mogotes », ces collines karstiques au sommet arrondi, aussi hautes que larges de plusieurs dizaines de mètres, plantées dans une terre rougie par la latérite. Spectaculaire ! On y randonne à pied ou à cheval : notre guide Alejandro nous emmène à l’assaut d’un massif montagneux pour mieux apprécier le panorama.
Et rencontrer des cultivateurs de tabac. Beaucoup sont courbés dans les champs, un coutelas à la main, pour cueillir les feuilles qu’ils trient soigneusement en fonction de leur taille : les plus petites serviront à confectionner les meilleurs cigares – Cohiba, Partagas, Romeo & Julieta, Montecristo, etc. Avis aux amateurs : les « boulons » produits par les paysans utilisent le même tabac que les grandes marques. Et sont incomparablement moins chers…
En pratique
Quand
On plonge toute l’année dans les Jardins de la Reine, mais la meilleure saison va de décembre à avril (saison sèche). Mai à octobre est plus pluvieux. Septembre et octobre forment la période cyclonique. Les requins-baleines sont visibles de juillet à novembre.
Comment ?
Ultramarina organise des croisières toute l’année avec l’un des 5 bateaux d’Avalon, le seul opérateur local autorisé à naviguer dans la réserve des Jardins de la Reine. Croisières en pension complète avec ou sans les vols internationaux. Nombreuses possibilités d’extension terrestre.
Air Europa opère des vols quotidiens en B787 Dreamliner, Bruxelles – La Havane via Madrid.
Formalités
Passeport valable 6 mois et « carte de tourisme » valable un mois, fournie par Ultramarina ou à demander au consulat de Bruxelles, 80 avenue Brugmann, 1190 Forest.