Un vaillant pick-up 4×4 nous conduit jusqu’au sommet de la sinueuse Zillertaler Höhenstrasse. Les trois villages environnants – Hippach, Schwendau et Mayrhofen – s’éveillent sous un pâle soleil matinal. Dropkick Murphy’s, un groupe de punk américain, assure l’encadrement musical. Au volant du 4×4, Alex Ganster, trailrunner, vététiste et skieur passionné. Alex est né et a grandi dans la région. Comme guide et compagnon de route, on ne fait pas mieux. Au programme d’aujourd’hui pour notre petite famille, une grosse dose de trailrunning.

Trailrunners avant la lettre

En réalité, le trailrunning n’est ni plus ni moins que de la course à pied hors des sentiers battus. Il peut se pratiquer à deux pas de chez vous ou, comme ici, dans la montagne. L’avantage ? Le trailrunning est beaucoup moins monotone que le running sur route ou sur piste. La ‘petite famille’ qui a pris place dans le 4×4 se compose de votre serviteur, de sa compagne et de notre fille de 11 ans. Moi, je suis avant tout passionné de montagne et d’outdoor, et fervent mountainbiker et snowboarder. Ma copine enfile ses chaussures de running plusieurs fois par semaine. Quant à notre fille, elle excelle en gymnastique et en escalade, est dingue de tous les sports imaginables et – comme on le verra plus tard – possède grâce à tous ces sports une condition physique inattendue pour une gamine de son âge. Bref, le seul occupant du pick-up qui manifeste des signes de nervosité avant notre journée de trailrunning, c’est moi. Alex me rassure. « Le but, ce n’est pas de courir un marathon », dit-il. « On se limitera à une boucle pas très longue, agrémentée de passages techniques et plus raides. Nous allons surtout nous concentrer sur la technique, sur le matériel et sur les panoramas ». Sans oublier les belles histoires qu’il va nous raconter.

Alex Ganster: « Haut comme trois pommes, je partais déjà à l’assaut de la montagne avec mes potes. Ce n’était pas du trailrunning, mais tout simplement jouer dans la nature. S’amuser. Nous étions en quelque sorte des trailrunners avant la lettre, sans en porter le nom. En hiver, les skis remplaçaient les chaussures de rando et hop… à nouveau cap sur la montagne. Au fil des ans, je me suis rendu compte que j’avais un certain talent pour le running, et je me suis inscrit au club d’athlétisme local. Il y a quelques années, un groupe d’amis a eu un accident assez grave en montagne. En guise d’hommage, et aussi pour effacer ce traumatisme, j’ai décidé d’entreprendre le tour des quatre montagnes qui entourent Mayrhofen. Je me suis mis à courir et à préparer un trail. D’emblée, j’ai été séduit par la dimension extrême de l’ultrarun. C’est grâce à ce défi que je suis entré en contact avec le Mayrhofen Ultraks Event. »

Matériel ? Check !

Entre-temps, nous sommes arrivés à Melchboden. C’est le moment d’enfiler nos chaussures de running. Inutile de dire que le choix de ces chaussures est essentiel. Un bon modèle de trailrunning assure un soutien accru de la voûte plantaire et du talon, pour un appui plus assuré sur les terrains accidentés. Quant à la semelle, ses sculptures sont plus profondes, pour davantage d’adhérence. Les chaussures de trail sont généralement plus robustes que les modèles de course, parce qu’elles doivent mieux protéger le pied. Seul hic, elles sont donc plus lourdes. Dans notre mini-sac à dos, nous glissons des gourdes, un peu de nourriture et une paire de bâtons télescopiques. Des lunettes – pour se protéger des insectes et des branches cinglantes – et de la crème solaire complètent notre équipement. La météo annonce du beau temps et, comme notre petit périple ne nous éloigne pas trop du point de départ, les coupe-vent et vestes de pluie restent dans le pick-up. Le poids est le plus grand ennemi du runner de compétition et des amateurs.

Des paysages à couper le souffle

Alex connaît le moindre trail de la région. Rien d’étonnant à cela, en sa qualité de CEO de Rideable Trailbuilding & Consulting. Son entreprise est spécialisée dans l’aménagement et l’entretien des trails de VTT et de trailparks. Il a en outre marché, couru, pédalé et skié pendant toute sa jeunesse dans ces montagnes et paysages plus époustouflants les uns que les autres.

Alex a choisi le parcours du jour tout spécialement pour une famille sans réelle expérience du trailrunning. Les premiers kilomètres, en direction de Rastkogelhütte, sont parcourus dans un superbe environnement vallonné. Les vraies difficultés sont pour plus tard. Le trail sinue gentiment, les montées et les descentes sont douces, le soleil luit… Bref, le moral est au beau fixe. Nous profitons à mille pour cent de l’effort physique et des panoramas qui s’offrent à nos pupilles. Le plaisir est donc total, à l’exception de cette petite voix qui me souffle ‘Savoure ton pain blanc, Jurgen, car le plus dur est à venir…’

Monter et descendre

‘Le plus dur’ finit en effet par arriver. Alex s’arrête de courir et nous annonce un petit atelier de technique d’escalade. Deux cent cinquante mètres de dénivelé nous attendent. Presque à la verticale. Alex : « Le trailrunning, surtout sur longue distance, c’est avant tout une question de dosage. Face à une sévère grimpette, il n’y a pas de honte à alterner la course et la marche. Quand on progresse en marchant, on peut faciliter l’escalade en poussant de la main sur le genou. On économise beaucoup d’énergie et de force musculaire, car une grande partie de la puissance est générée par le haut du corps. Tout dépend de votre morphologie et de votre niveau d’entraînement mais, lorsque la pente est très forte, la marche est parfois aussi rapide que la course. »

Arrivés au sommet, nous reprenons notre souffle. Le trail reprend ensuite, en se faufilant entre d’impressionnants rochers. Alex en profite pour perfectionner notre technique de course et l’utilisation des bâtons télescopiques. Des bâtons qui n’ont rien d’exceptionnel dans le monde du trailrunning.

Alex: « De nombreux runners n’utilisent leurs bâtons que pour garder l’équilibre. Si on veut aller plus vite, il est important de les employer aussi pour réduire l’effort à fournir par les jambes. Ils doivent servir de soutien à l’ensemble du corps, tant en montée qu’en descente, où ils réduisent la pression sur les genoux et les hanches. Les trailrunners pratiquent souvent le ski-mountaineering en hiver, et ont une technique de course faite de longues enjambées, les bâtons servant à garder l’équilibre. Personnellement, je préfère les utiliser purement comme soutien, souvent dans les passages techniques. Je les plante loin devant moi, puis je les utilise pour me hisser vers le haut. En descente, il servent à soutenir tout le corps. » Nous appliquons les conseils d’Alex à la lettre, mais notre coordination et notre forme physique ne nous permettent pas d’en tirer un réel avantage en termes de vitesse de progression.

Toute montée est suivie d’une descente, dit une loi non écrite du trailrunning. Mais pas avant d’affronter un faux plat, qu’Alex nomme affectueusement ‘Schnoppa’. Dans la descente, notre petite famille opte pour la sécurité. Là où nous contournons un mur jugé trop raide, Alex l’efface d’un simple saut. Il saute de rocher en rocher, semble rebondir sur le sol et profite pleinement de la gravité, les bras assurant son équilibre. Nous l’admirons, mais sommes incapables d’en faire autant. C’est donc à plus petits pas que nous rallions le point de départ de notre boucle.

Sport, et surtout nature

La conversation se poursuit autour d’une succulente Brettljause (assiette montagnarde), arrosée d’un schnaps. Je n’ai aucun entraînement de course à pied, et j’ai pourtant adoré notre sortie. À mes yeux, le fait que l’on se concentre moins sur la vitesse et le chrono, mais davantage sur la nature environnante, est un argument décisif. En trailrunning, il n’y a pas que le défi sportif qui compte. On ne s’arrête pas seulement pour manger ou pour reprendre son souffle. On s’arrête aussi pour admirer le paysage, pour s’imprégner de la beauté de la nature. Non, il ne faut pas être marathonien chevronné pour se lancer dans le trailrunning. Il suffit d’enfiler de bonnes chaussures et de se mettre à courir (ou trottiner). Sur une bouclette de 5 kilomètres ou un ultrarun de 50, on prend son pied à tous les niveaux. Ma copine, en tout cas, est convaincue. Elle n’a de cesse de retourner à Mayrhofen et à Zillertal, le paradis du trail. Cette région propose d’innombrables parcours pour tous les niveaux, parfaitement fléchés et entretenus. Et notre fille ? Elle aussi est partant à 100%, à condition que des Kaiserschmarrn (crêpes de l’empereur) l’attendent à l’arrivée !