S’il existe un pays où le plaisir de galoper à bride abattue prend tout son sens, c’est bien la Mongolie. On vous y emmène vivre la vie des descendants de Gengis Khan dans l’immensité des steppes de la vallée de l’Orkhon. Une semaine de randonnée à cheval, une autre à pied au rythme des yaks et une troisième à dos de chameau, dans le désert de Gobi. Aventure nomade en liberté totale.
Immense territoire coincé entre la Russie et la Chine, la Mongolie n’abrite que 3 millions d’habitants dont une majorité sont nomades. Ils vivent en familles élargies dans de petits camps de yourtes, ces tentes circulaires qu’ils déplacent au gré des saisons pour nourrir leurs troupeaux de moutons, de chèvres, de yacks ou de vaches… Et bien sûr de chevaux.
Petits, trapus mais impétueux et semi-sauvages (gare, ils ne se laissent pas facilement caresser !), ceux-ci sont l’emblème du pays. Les enfants apprennent à les monter avant même de tenir debout et les adoles s’affrontent dans des courses harassantes, dont le point d’orgue culmine au moment du Naadam, en juillet – des festivités annuelles où se mesurent les meilleurs athlètes du pays dans trois disciplines traditionnelles : la lutte, la course à cheval et le tir à l’arc. A ne pas manquer si vous choisissez cette période.
Ce fier pays à partir duquel Gengis Khan a conquis le plus vaste empire de l’histoire est une terre de steppes, de montagnes et de déserts. Nous avons choisi de découper notre périple en trois étapes qui collent parfaitement à ces différents terrains. Une semaine de chevauchée dans la plaine, une autre de randonnée pédestre à travers les collines verdoyantes d’un parc national volcanique et une troisième au cœur du légendaire désert de Gobi, en combi 4×4 UAZ russe et en chameau – les vrais, ceux à deux bosses.
C’est Sylvain Recouras, un Français établi depuis 20 ans dans la capitale Oulan-Bator (lire l’encadré) qui nous a ficelé le programme, de main de maître. On loge sous la yourte chez l’habitant ou sous tente en pleine nature. Escortés d’une guide francophile, d’un chauffeur – l’UAZ nous accompagne avec les bagages pendant la semaine à cheval – et même d’une cuisinière qui tentera de nous initier à la cuisine locale.
Autant le dire tout de suite : elle n’est pas très variée ! Basée sur la viande et les produits laitiers issus des cinq ou six espèces animales qu’élève toute famille mongole qui se respecte, dans les campagnes. Les fruits et légumes sont rares dans ce pays où les hivers sont rudes et dont les habitants transhument souvent sans cultiver les champs. Heureusement qu’il existe quelques spécialités succulentes, qu’on déniche dans les villages ou que nous préparent nos hôtes les plus hospitaliers. Mention spéciale pour le « khuushuur », un ravioli frit fourré à la viande de bœuf ou de mouton, suivi d’un « boortsog », ce beignet sucré tartiné de crème… Une tuerie !
Dans la steppe au triple galop
La capitale Oulan-Bator concentre près de la moitié de la population du pays… et l’essentiel de sa pollution, due au chauffage à charbon. On n’y consacrera pas plus d’une journée à notre arrivée, le temps pour ceux qui ne veulent pas se couper du monde d’acheter une carte de téléphone locale, la 4G fonctionne même en pleine nature. Le temps aussi d’une visite guidée du Musée d’Histoire nationale, qui abrite une splendide collection d’art nomade et sacré, mais surtout d’assister à un spectacle de danses traditionnelles au théâtre Tumen Ekh, haut-lieu culturel local. Elles sont bercées de chants diaphoniques uniques au monde. Exceptionnel !
Quelques heures de pistes et nous voilà en selle pour la chevauchée fantastique, au rythme des 5 à 6 heures d’équitation qui cadencent chaque journée de notre première semaine de voyage. Même si les galops prennent dans la steppe infinie une saveur – et une vitesse – particulière, il ne faut pas être un cavalier hors pair pour se lancer. Les chevaux mongols sont fougueux mais ils obéissent au sabot et à l’œil si on les dirige bien. Le plus dur, ce sont les selles en cuir bourrées de paille et surmontées d’un simple anneau de métal pour se tenir d’une main, les rênes dans l’autre, prêtes à fouetter les flancs de notre monture. Heureusement qu’on échappe aux selles traditionnelles mongoles… en bois ! Joliment peint, cela dit
Guidés par un maître écuyer et suivis ou précédés de loin par notre intendance à quatre roues, on chemine à travers les plaines immenses de la verte et vallonnée Vallée de l’Orkhon, l’une des plus belles régions de Mongolie. Seuls comme le vent sur nos montures, à longer des torrents, traverser des rivières à gué, pénétrer au cœur de forêts denses, se rafraîchir au pied de cascades impressionnantes ou s’arrêter au bord de falaises face à d’époustouflants paysages… On accumule les images et sensations qui resteront à jamais gravées dans la mémoire ou sur le capteur de l’appareil photo.
Vous reprendrez bien un peu d’aïrag ?
Sur la route, perdus au milieu de nulle part, on s’arrête pour visiter tel ou tel monastère bouddhiste dont Erdene Zuu, le plus ancien du pays, ou Tövkhön, perché au sommet d’une montagne sacrée. Certains sont toujours en activité et les moines nous gratifient de leur curiosité souriante. Une halte s’impose aussi à Karakorum, cité légendaire fondée en 1220 par Gengis Khan sur la route de la soie, qui passait par là. On croise de temps à autre un village ou un campement où l’on peut acheter ou échanger quelques bricoles. Comme de rares fruits et légumes importés de Chine.
Voire, si on a de la chance, assister à l’une ou l’autre épreuve d’un Naadam local. La fête nationale bat son plein chaque année autour des 11 et 12 juillet à Oulan-Bator, mais des versions régionales hautes en couleur se déroulent tout le mois dans les villages. Plus intimes mais tellement authentiques. L’accueil réservé aux étrangers de passage oscille entre la bienveillance polie et la réception chaleureuse. Le seul ennemi, c’est le taon qui s’abat en escadrons sur l’encolure de nos chevaux en sueur et, par un désagréable effet de proximité, sur nos cuisses pourtant bien protégées. On en dégommera des nuées.
Chaque soir, on fait étape auprès d’une famille d’éleveurs nomades qui nous accueille sous sa yourte au confort rudimentaire. Parents et enfants y vivent ensemble, les autres membres du clan installés dans la prairie à proximité. Une « yourte d’amis », dotée de lits en dur, est réservée aux visiteurs que nous sommes. Douche spartiate dans un cabanon voisin et toilettes dans la nature…
Le cérémonial est toujours le même. Toute la famille est assise sur les lits et nous invite à la rejoindre autour du fourneau central, surmonté d’une cheminée, qui sert à la fois de chauffage et de cuisinière. Impossible de refuser une rasade d’aïrag, ce lait de jument fermenté au goût aigre et légèrement alcoolisé, qu’on vous sert à toute heure pour souhaiter la bienvenue. Ni d’éviter un morceau de beurre de yak, directement à la cuiller ou noyé dans un bol de thé. Le gras tient chaud, l’hospitalité a ses règles en Mongolie et si le refus est mal perçu, on comprend vite que rien n’interdit d’accepter l’offrande… pour la refiler à son voisin sans y avoir touché. Du moment qu’on partage…
Au-dessous des volcans
A la tombée de la nuit, pendant que certains se laissent entraîner… à moto pour aider à rassembler les troupeaux disséminés dans la steppe, dans une sorte de rodéo moderne où les chevaux-vapeur prennent le pas sur les équidés, nous assistons nos hôtes dans la préparation du dîner de rois qu’ils nous ont concoctés : un barbecue mongol, spécialité locale où la viande de mouton, quelques carottes et pommes de terre mijotent dans une cocotte sur un lit de pierres rougies sous la cendre. Rien ne se perd, même la tête qui bénéficiera d’une cuisson longue à basse température jusqu’au petit matin. Jusqu’à ce qu’on nous la serve, confite, au petit déjeuner. Croyez-le ou non, c’est un festin.
La deuxième partie du voyage nous conduit à travers le parc national Naiman Nuur, un territoire façonné par les volcans et envahi de blocs de lave entre lesquels jaillissent des sources d’eau potable où l’on remplit nos gourdes. On marche 25 à 30 km par jour dans un décor à couper le souffle. Pas de véhicule à moteur mais des yaks pour porter nos bagages, guidés par un père et ses fils qui nous initieront au jeu de cartes national, pour des parties endiablées le soir au coin du feu, sous les étoiles. Nous avons gardé deux chevaux pour pouvoir reposer nos pieds endoloris si nécessaire ou le simple plaisir de gravir au trot quelques sentiers abrupts.
On plante les tentes dans la nature sauvage, sauf quand on croise une famille accueillante temporairement installée sur notre chemin. L’une d’elles nous propose les « deels » qu’elle tisse pour ses voisins. Ces longs manteaux traditionnels sont taillés pour le climat de la Mongolie, où toutes les saisons peuvent se succéder en une seule journée, même l’été. Coupés dans un tissu épais, certains sont richement décorés. Il y a ceux de tous les jours et ceux que l’on porte pour les grandes occasions. Le jour ne notre départ, nos hôtes en avaient revêtu de magnifiques pour se rendre à un mariage. A cheval.
Les vaisseaux du désert
La randonnée pédestre s’achève dans une vallée aride où nous retrouvons notre chauffeur pour rallier en UAZ increvable l’un des déserts les moins visités de la planète, celui de Gobi. De la rocaille et du sable à perte de vue mais une flore et une faune extrêmement riches et des panoramas de toute beauté. Notre petit groupe séjourne cette fois dans la famille d’un éleveur de chameaux qui a planté ses yourtes au pied des spectaculaires dunes de Khongor. On s’y promène en « vaisseau du désert », une expérience aussi houleuse qu’amusante, à laquelle on s’habitue vite.
Les dunes sont immaculées quand on les escalade pour s’offrir depuis les crêtes une vue imprenable sur un paysage repeint par les couleurs du crépuscule. Et constellé d’animaux : chameaux, gazelles et antilopes broutent les rares touffes d’herbe qui affleurent. Plus spectaculaires et colorées encore sont les falaises de sable rouge de Bayanzag que l’on rallie le lendemain. Connues sous le nom de « falaises enflammées » pour leurs teintes couvrant toute la palette des rouge-orangés, elles sont devenues célèbres pour les centaines de squelettes d’animaux préhistoriques qu’on y a déterrés. De quoi inciter les voyageurs à ramasser le moindre ossement ensablé…
L’aventure se termine de retour dans la plaine, auprès d’une famille qui nous initie à la traite des yaks et des juments, tandis que la grand-mère calme un nourrisson en lui donnant du lard en guise de sucette. Tout autour de la yourte, des marmottes s’en donnent à cœur joie autour de leurs terriers. Nous laissons à nos hôtes l’essentiel de notre pharmacie et les patchs anti-inflammatoires qui font des miracles sur l’un des fils tombé de cheval quelques jours plus tôt. Au moment de partir, toute la famille est sur le pas de la yourte pour nous saluer, une bassine en plastique remplie de lait dans les mains de la maman. Pas pour le boire mais pour le lancer en l’air dans notre direction. C’est leur façon précieuse de nous souhaiter bon retour.
En pratique
Y aller
Créée par Sylvain Recouras, un Français qui a épousé une Mongole et son pays, Horseback Mongolia est spécialisé dans les voyages axés sur l’immersion culturelle et la rencontre avec les populations locales. Depuis Oulan-Bator, elle organise des séjours sur mesure combinant tous les moyens de déplacement, avec guide francophone.
www.voyage-mongolie.com – info@horseback-mongolia.com
Vols Turkish Airlines Bruxelles – Oulan-Bator via Istanbul.
Quand partir
Pour ce type de séjour, mieux vaut privilégier les périodes où la météo est la plus clémente, entre mai et octobre. Nous avons choisi juillet pour pouvoir non seulement bénéficier d’un climat estival mais aussi assister aux festivités annuelles du Naadam. La fête bat son plein les 11 et 12 juillet à Oulan-Bator, mais des versions régionales aussi authentiques que hautes en couleur locale se déroulent tout le mois dans les villages.